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Mémoire et héritage : le témoignage d’Adrien Cannaméla (FI 99 · 1951)
Doyen du réseau Alumni en cette fin 2025
Nous avons eu le privilège d’échanger avec Adrien Cannaméla, diplômé de la promotion 1951 · FI 99. À bientôt 99 ans, il est aujourd’hui le doyen de notre réseau Alumni d'IMT Mines Alès. Son parcours exceptionnel et son regard empreint de sagesse, traversent près d’un siècle d’histoire. Nous avons souhaité recueillir son témoignage : voici ce qu’il a accepté de partager avec nous.
- Adrien, vous êtes né en Tunisie et y avez passé vos vingt premières années. Quels souvenirs gardez-vous de cette enfance au bord de la mer ?
Je crois que vous ne vous rendez pas compte de l'étendue que peut avoir pareille question. Essayez d'y répondre pour vous même et vous verrez qu'il y a de quoi remplir des pages et des pages, même si l'on veut dire l'essentiel.
Né à Tunis, le 24 nov.1926, entre deux crises d'éclampsie où le docteur Legrand a annoncé : " Sauvons la mère, l'enfant est fichu".
Le plus jeune de 4 enfants, élevé seul par ma mère, à la suite d'un divorce qui a fait le partage de la famille, après un second mariage. J'étais donc dans un cocon d'amour, hélas séparé de mon père, choyé merveilleusement et ne manquant de rien, dans un berceau d'affection. Profité d'un pays au bord de la mer, à La Mars, Amilcar, où nous allions chaque dimanche.
Etudes dans un collège technique, puis dans un lycée sorti avec un bac mathématiques avant d'entrer à l'Ecole des Mines d'Alès.

- Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir ingénieur des Mines ? Était ce un choix logique ou un rêve un peu fou ?
Mon père, radin sur les bords, a choisi Alès, parce que c'était l'école la moins chère.
Mais je ne l'ai jamais regretté.
- Vous avez travaillé onze années sous terre dans différents pays et régions. Quel souvenir de cette période reste le plus fort pour vous ? Comment décririez vous les hommes avec qui vous avez partagé ces expériences souvent périlleuses ? Votre travail dans les mines est souvent qualifié de « métier le plus ingrat et le plus dangereux». Qu’est-ce qui vous a permis de tenir, jour après jour, dans un tel environnement ?
Bien sûr c'est la mine qui m'a le plus fortement marqué. D'abord devant ces mineurs, véritables héros dans ce métier de tous les dangers où l'on joue journellement avec la mort. J'ai partagé, durant 11 années, ce travail aussi dangereux qu'exténuant. (Voir mon livre : « Dans le ciel sous la terre » et de nombreux poèmes.)
J'ai tenu par la volonté de vaincre la peur, et le danger, fasciné par le spectacle de ces hommes, héros irréductibles, fiers de l'être, espèces de titans de légende, tremblants de tous leurs membres avec leurs marteaux perforateurs éventrant la muraille, suant, soufflant, souffrant sans jamais défaillir.
L'horreur des postes de nuit où le sommeil s'alliait au danger. Le grisou qui bouillonnait sous mes pieds aux Houillères de Lorraine, en pensant au drame de Courrières, où il y a eu 1100 victimes.
Combien d'élèves de l'Ecole des Mines ont connu tout cela ?
- Après les mines, vous avez évolué dans le secteur des pétroles et ensuite dans l’immobilier. Comment ces différentes expériences ont-elles façonné votre vision du travail et de la vie professionnelle ?
J'ai été embauché aux Pétroles SHELL, alors que j'étais exposé à tous les dangers du monde, en creusant un puits de 9 mètres de diamètre et 800 mètres de profondeur pour atteindre le filon d'une mine de fer.
En Normandie pas loin de CAEN, "INUTILE DE DIRE QUE JE N'AI PAS Hésité UNE SECONDE ". J'étais chargé de promouvoir les produits pétroliers dans l'industrie. Même chose ensuite aux Pétroles BP et Antar.
J'ai ensuite viré dans l'immobilier, en vendant aux français des appartements en Californie, puis en Floride, très lucratif ! Enfin l'immobilier de bureaux à Paris, comme Marchand de biens.
- Vous êtes un écrivain prolifique, avec une œuvre poétique riche et variée. Qu’est-ce qui vous pousse à écrire ? Vous collaborez à de nombreuses revues et constituez une œuvre que vous ne publiez pas systématiquement. Qu’est-ce que cela vous apporte, de créer pour vous-même avant tout ?
C'est vrai, j'écris beaucoup : trois romans, un recueil de nouvelles, un recueil de haïkus, plus de 6 500 poèmes répartis dans 270 livrets de 25 poèmes chacun, et des traductions diverses en alexandrins, dont Le petit prince de Saint-Exupéry.
J’ai aussi eu le plaisir de donner plusieurs conférences dans le cadre de réunions littéraires, consacrées à des figures comme Cocteau, Charles Cros, Rimbaud, Marius Scalesi, Rembrandt, Cendrars ou Jules Renard, à l’occasion de rencontres mensuelles entre passionnés.
Certaines de mes œuvres figurent dans des revues littéraires consacrées à la poésie, même si je ne publie pas tout.
Ecrire pour moi est comme respirer, m'emplir de la vie, sous toutes ses formes et cela, quotidiennement, naturellement.
Il faut que j'écrive c'est tout, c'est comme un ferment essentiel qui coule dans mon sang, sans me préoccuper du destin de mes écrits.
- Vous mettez l’amour au-dessus de tout et parlez de son pouvoir transformateur. Comment cette conviction a-t-elle guidé vos choix de vie et vos relations ?
C'est sans aucun doute la question la plus importante. Cela vient peut-être de ma maman qui était tout amour. Vous l'auriez vue souffrir pendant que mes trois frères étaient à la guerre durant trois longues années, avec chaque soir ses prières, ses appels d'amour, pour qu'il ne leur arrive rien.
Je suis pétri d'amour pour les êtres et les choses, je peux même vous aimer si vous me le demandez... Signe particulier, je n'attends rien en retour. C'est à sens unique si cela se produit.
- Si vous deviez transmettre un message ou un conseil à nos jeunes diplômés aujourd’hui, basé sur votre expérience, que leur diriez-vous ?
Ne faites jamais ce qui ne vous plaît pas ! Trouver ce que vous aimez le plus, quitte à attendre le moment le plus opportun, le plus propice, conforme à votre personnalité.
En ce qui me concerne :
- Rire
- Marcher beaucoup
- Manger peu (très important)
- Aimer sans trêve !
Bonne chance !
1 Commentaire
"Tes poésies nous font du bien
Coulant comme l'eau de jouvence
Qui rajeunit nos existences
En nous parlant des temps anciens
Ces temps qui sont aussi les nôtres
Qu'à coeur ouvert tu nous apportes
Sans rien demander en échange
Oui! tu mérites des louanges
Georges Hériakian (1967)
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